« Papier glacé »

Pays :
Etats-Unis
Genre :
Thriller, Horreur
Réalisation :
Nicolas Winding Refn
Avec :
Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote, Abbey Lee, Keanu Reeves...
Durée :
1h58
Sortie :
08 Juin 2016

Avertissement : cette critique peut contenir des spoilers. Ce film contient des scènes pouvant choquer un public sensible. Le film a été interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie en salles.

Synopsis :
Jesse, une jeune fille souhaitant devenir mannequin, se rend à Los Angeles pour réaliser son rêve. Celui-ci tourne très vite au cauchemar lorsqu’elle réalise qu’elle est l’objet de tous les désirs de femmes obsédées par sa beauté et sa vitalité et qui sont prêtes à tous les moyens nécessaires pour s’en emparer.

Critique :
The Neon Demon est l’archétype du film compliqué à critiquer tant il lui est facile de diviser les avis. Peut-être également parce que le film est, plus que les précédents films de Nicolas Winding Refn, une expérience sensorielle (au sens physique du terme) cherchant à mettre le spectateur dans un état de fatigue et d’oppression. La vraie question étant : exercice de style réussi au service du propos de l’oeuvre ou auto-contemplation masturbatoire de la part du réalisateur ?

Le réalisateur danois a choisi de mettre en scène Elle Fanning qui joue Jesse, une jeune fille de 16 ans venue s’installer à Los Angeles pour essayer de percer dans une carrière dans le mannequinat. Son chemin, sur lequel elle croise une galerie de personnages tous plus glauques les uns que les autres (du gérant de motel pédophile aux photographes obscènes en passant par un créateur de mode ultra-narcissique et obsédé par la beauté et les différentes mannequins prêtes à tout) aboutira par une rencontre majeure en la personne de Ruby (Jena Malone), maquilleuse aussi bien pour les shootings photo que pour les cadavres aux pompes funèbres et qui la guidera dans ce monde impitoyable. Enfin, qui la guidera jusqu’à ce que Jesse ne réponde pas favorablement à ses avances et que ça lui coûte la vie. Ainsi, l’auteur célébré pour le très brillant Drive une poignée d’hivers plus tôt nous propose un regard extrêmement acide et brutale sur le milieu de la mode et plus largement l’obsession qu’ont les gens pour la beauté et ce qu’ils sont prêts à faire pour elle.

Cette obsession, le réalisateur l’illustre dès le générique d’ouverture du film, signé
« NWR » (pour Nicolas Winding Refn, NDLR) sur fond de couleurs saturées éclairées au néon à l’effet papier glacé et de paillettes virevoltantes en dehors de la zone de profondeur de champ. Et cet effet « papier glacé et lumière néon » sera le maître mot de l’esthétique visuelle du film. En effet, la superbe lumière est accompagnée d’un étalonnage extrêmement bien dosé qui  met en valeur les couleurs et les contrastes et accentue largement cet effet « photo de magazine » de chaque plan. Et c’est d’autant plus crucial à l’esthétique globale du film que toute la mise en scène, relativement lente, est très millimétrée, les cadres très bien composés et le découpage très soigné. Clairement, Refn et son équipe impressionnent. L’auteur joue même avec les censeurs et contourne certains problèmes légaux (l’actrice principale est mineure) avec un symbolisme bien venu et globalement inspiré. Enfin, Cliff Martinez répond à nouveau présent pour le score avec une partition là aussi très inspirée, pleine de puissance et de nappes enivrantes. Le film se clôture sur une chanson de Sia plutôt réussie sur des images qui rappellent le passage du temps, très réussies.

Le film est donc une grande réussite mais malheureusement tout n’est pas rose bonbon et paillettes au Royaume de Danemark et il se pourrait qu’Hamlet doive venir faire un peu de ménage. En effet, le scénario du film est finalement très simple : une jeune fille, très belle, veut percer dans le monde de la mode et les autres mannequins la voient comme une menace. Son succès foudroyant n’aidant pas, il faut éliminer la menace (et la dévorer, et se baigner dans son sang, et…). L’obsession pour la beauté donc, qui pousse les gens aux pires extrêmes pour rester dans la lumière des projecteurs. Seulement la dénonciation des problèmes de la mode et de l’objectification des femmes finit par passer pour un effet de style et passer complètement à la trappe tant on sent que l’obsession du réalisateur lui-même pour la beauté formelle de ses plans et de sa mise en scène semblent largement l’emporter sur le propos. On pourra ainsi trouver que les femmes dans le film finissent par devenir non pas des objets de convoitise physique ou des symboles de la jeunesse et de la beauté mais de simples accessoires dans l’expression artistique d’un réalisateur obnubilé par son reflet dans le miroir. Un peu dommage donc, et à regarder avec des pincettes intellectuelles.

Note : 7/10

Nicolas Winding Refn semble courir après lui-même dans une spirale infernale artistique. Alors certes, c’est très joli et mieux que son précédent film, mais le réalisateur semble s’être perdu en privilégiant l’esthétisme sans que cela ne serve réellement l’histoire de son film. The Neon Demon reste un bon film largement au dessus d’un paquet de titres sortis cette année, mais ce n’est pas la perfection imaginée par l’auteur.